La musique de salon au Salon musical
Paul Kristof

L’origine et la raison d’être des salons littéraires et musicaux sont évidentes : après le coucher du soleil et avant celui des hommes, il y a le moment de la veillée où l’on se retrouve au salon, en famille ou avec les amis.

Dans les Salons du début du 19ème siècle, véritables laboratoires de recherche et d’expérimentation, éclosent des formes musicales nouvelles : les Lieder, les pièces de genre et les improvisations, souvent de durée courte. Les Nocturnes, par exemple, emplissent le silence de la nuit d’une expressivité contenue.

Les musiques qui y sont jouées, le sont pour des amis à qui l’artiste n’a rien à prouver, puisqu’on est entre nous. C’est là que réside la différence essentielle avec les morceaux de concert, prévus pour de grandes salles. Ces oeuvres sont destinées à un public que l’artiste ne connaît pas, un public composé d’auditeurs souvent moins habitués à écouter de la musique, qu’il s’agira d’épater par des morceaux de virtuosité (autre composante de la palette romantique). Là, il faut épater le bourgeois, alors qu’au Salon, il faut plaire aux amis.
Mais bien sûr, les frontières entre le salon et la salle de concert ne sont pas étanches. Lorsque Franz Liszt transcrit pour piano seul l’Ave Maria de Schubert composé pour chant et piano, il donne à entendre à des milliers de gens une œuvre prévue pour une toute petite assemblée. En l’occurrence, le génie de Liszt est d’avoir transformé en pièce de virtuosité une œuvre au départ intimiste ; de transformer l’Ave Maria en pièce de concert, tout en gardant l’esprit de Schubert et en le faisant connaître au plus grand nombre.

Le passage de la musique de salon du début du 19ème siècle aux « morceaux de salon » de la fin du siècle qui s’empilaient dans des éditions à bon marché sur les pianos de tous les salons d’Europe, s’explique par l’engouement de l’époque pour cet instrument, véritable phénomène de mode. Un salon sans son « meuble à musique » ne se concevait pas. Il en fallait partout, de toutes tailles, de tous bois. L’industrie du piano, les Bechstein, Pleyel, Steinway, Bösendorfer, etc., s’épanouit partout. La composition des romances bucoliques le disputait à celle des bluettes sentimentales. Il fallait aussi que la difficulté technique soit de moins en moins exigeante, démocratisation de l’art oblige.

Adalberto Maria Riva, notre conférencier et si délicat pianiste, a su recréer avec chaleur et simplicité l’esprit même des Salons musicaux : la réunion d’amis cultivés autour d’un piano (et de l’incontournable abat-jour !), pour écouter des musiques pleines de poésie. Une très belle soirée.


 
© 2011 Adalberto Maria Riva