2015
recensione

di Sylviane Falcinelli


Au terme du périple, d’heureuses découvertes jaillies des péninsules méridionales.

Nous avions laissé Adalberto Maria Riva dans les verts pâturages de Gruyères (https://falcinelliblog.files.wordpress.com/2015/02/tour-du-monde-3-fc3a9v-15.pdf, p.7 à 9), nous le retrouvons au sein de sa culture native avec cette sélection peu banale parcourant trois siècles de production pour clavier au pays du bel canto. Dans sa notice, le brillant interprète et chercheur rappelle malicieusement comme le développement de la facture et de l’écriture pianistiques se répandit partout en Europe… à partir de l’invention de l’Italien Bartolomeo Cristofori, mais sans que son berceau n’engendre quelque concurrent à Pleyel, Erard, Bösendorfer, Bechstein, Beethoven, Chopin, Liszt, Schumann, etc. ! Quitte à nous convaincre que ses compatriotes, tout à leur passion de l’art lyrique, n’ont tout de même cessé d’écrire pour le clavier depuis le XVIIIème siècle, Adalberto Maria Riva a sciemment écarté les quelques Transalpins célèbres du piano, tels Muzio Clementi ou Alfredo Casella, pour orienter nos oreilles vers des pages rarement exhumées. Pourquoi avoir fait une entorse à ce parti en incluant deux Sonates archi-connues de Scarlatti, que je ne me résoudrai jamais à entendre privées des résonances et attaques du clavecin, d’autant qu’un phrasé trop pianistique appliqué à la K.9 ainsi que le tempo excessif dans la K. 201 s’avèrent discutables ? Curieusement, Riva réussit mieux la fameuse Toccata de Domenico Paradisi (1707-1791), tout aussi clavecinistique, mais là, son articulation preste et spirituelle, jouant de la définition claire du Fazioli (un Grand F 278), se double d’une habileté à “registrer” par la pédalisation, comme s’il disposait de deux claviers. Laissons de côté ces minutes qui auraient pu être avantageusement dévolues à des pages pour piano de créateurs lyriques – tels Ponchielli ou Leoncavallo – afin de compléter le panorama, et venons-en aux attraits majeurs du disque. Nous abordons l’époque romantique par Stefano Golinelli (1818-1891), compositeur prolifique et pianiste très estimé en son temps qui bénéficia du soutien de Rossini (lire http://www.treccani.it/enciclopedia/stefano-golinelli_%28Dizionario_Biografico%29/ ; Giuseppe Modugno enregistra son Erard chez Tactus : http://tactus.it/productspage/ romanticismo/tc810701-stefano-golinelli-due-persieri-affettuosi-24-preludes-0p69- barcarola-op35-giuseppe-fausto-modugno-solo-piano-playing-on-a-erard-piano-formerly-ownedby- stefano-golinelli/) : agréable pièce de salon, Cicalata évite les fadaises du genre et se distingue, non pas tant par son élégance mondaine que par les orages inattendus agitant sa section centrale. Adalberto Maria Riva oeuvre depuis des années – par ses écrits, par les concerts, par le disque – à la résurrection d’Adolfo Fumagalli (né en 1828, précocement fauché par la phtisie en 1856), formidable virtuose influencé par Liszt dans ses innombrables paraphrases d’opéras; il ne pouvait donc manquer d’inclure dans ce récital une des pièces les plus spectaculaires de son auteur de prédilection : à mi-chemin entre le Freischütz et Meyerbeer, La roche du diable, étude de bravoure (extraite de L’École moderne du pianiste op.100) vise à impressionner par ses effets mélodramatiques (où passent des relents du premier Verdi), et l’on y admire la bravura du pianiste dont le fervent enthousiasme projette sur la scène d’aujourd’hui la figure du récitaliste romantique plein de panache. Des recherches de Respighi s’appliquant à renouer le fil de l’histoire musicale italienne, on aurait attendu les si représentatifs Tre Preludi sopra melodie gregoriane (1921) plutôt qu’une réduction pour piano de deux numéros des Antiche danze e arie per liuto pour orchestre, mais leur grâce archaïsante ne dépare pas le panorama. auteur de prédilection : à mi-chemin entre le Freischütz et Meyerbeer, La roche du diable, étude de bravoure (extraite de L’École moderne du pianiste op.100) vise à impressionner par ses effets mélodramatiques (où passent des relents du premier Verdi), et l’on y admire la bravura du pianiste dont le fervent enthousiasme projette sur la scène d’aujourd’hui la figure du récitaliste romantique plein de panache. Des recherches de Respighi s’appliquant à renouer le fil de l’histoire musicale italienne, on aurait attendu les si représentatifs Tre Preludi sopra melodie gregoriane (1921) plutôt qu’une réduction pour piano de deux numéros des Antiche danze e arie per liuto pour orchestre, mais leur grâce archaïsante ne dépare pas le panorama. D’un autre musicien à la vie écoutée par la maladie, le Napolitain Mario Pilati (1903-1938, http://mariopilati.net/), deux Bagatelles permettent une fois encore d’apprécier le toucher tout en finesse du pianiste ; la première vous a des petits airs de Marche de l’Amour des Trois Oranges, tandis que la deuxième est une Berceuse prédisposant au rêve.
La même génération vit naître un compositeur au sein de la célèbre famille d’éditeurs Sonzogno (la maison des véristes, mais aussi d’une diffusion très démocratisée de la littérature: http://www.letteraturadimenticata.it/Sonzogno.htm ) : Giulio Cesare (1906-1976). Sa musique s’avère totalement anachronique en regard de son époque, et la Favoletta très composite dans sa manière de passer d’un ton badin au brio le plus extraverti (cliché de l’Italien-type !), d’évanescences harmoniques à la grandiloquence, sans que l’homogénéité de la construction semble avoir préoccupé un seul instant ce musicien surtout fécond au cinéma. Plus sérieusement, deux oeuvres majeures vaudraient à elles seules l’acquisition du disque. Les Preludi autunnali (1914) de Gian Francesco Malipiero devraient figurer au rang des joyaux du concert ; écoutez le raffinement harmonique du premier, que le pianiste rend d’un toucher « caressant » comme le réclame l’indication ; la grâce aérienne du deuxième se teinte de sousentendus mystérieux ; le ton presque lugubre du troisième s’exhale avec une élégance de grand seigneur ; le quatrième contraste par la fraîcheur juvénile de sa volubilité qui s’interrompt à peine
pour des moments d’attente empreints de gravité. Adalberto Maria Riva nous en offre une interprétation idéale de poésie. Un climat retenu nous introduit à la Sonatina canonica sui Capricci di Paganini de Luigi Dallapiccola (1942-43 ; pour en décrypter la construction, je vous conseille la fiche http://www.flaminioonline.it/Guide/Dallapiccola/Dallapiccola-Sonatinacanonica.html), qui se joue du défi de combiner l’ancrage passéiste auquel ramène sans cesse le langage très daté de Paganini, à une élaboration contrapuntique qui précède de peu le ralliement du compositeur au dodécaphonisme de l’École de Vienne. Cacher l’art par l’art même, cela semble avoir été le mot d’ordre de Dallapiccola qui n’élude pas les chocs stylistiques mais doit sans cesse en contourner les contradictions, comme dans le deuxième mouvement où les traits acérés alternent avec une légèreté quasiment chorégraphique, ou dans la marche finale. Les qualités pianistiques d’Adalberto Maria Riva, sa virtuosité, son toucher raffiné, son élégance, inclinent à penser que s’il n’avait fait le choix (le sacrifice !) de consacrer un temps considérable à la recherche musicologique et à l’exhibition de ses trouvailles dans des programmes par conséquent peu “commerciaux”, il occuperait une place plus proéminente dans les circuits de concerts. Une preuve supplémentaire de son talent se décèle dans la manière dont il sait dompter le Fazioli pour le plier à ses volontés. Je n’ai jamais caché mon peu de sympathie pour les pianos de cette marque, qui “claquent” avec brio mais ne produisent guère la profondeur inhérente aux plus chantants instruments allemands et viennois ; pourtant il faut convenir que le modèle ici employé reflète une nette évolution vers une homogénéité améliorée (on pouvait fréquemment reprocher aux Fazioli une zone du médium-aigu tombant dans le creux de la vague) ; de surcroît son beau dégagement d’harmoniques s’accorde à la luminosité de l’école musicale italienne. La prise de son d’Ermanno De Stefani, très présente, respecte parfaitement les personnalités concordantes du piano et du pianiste. Mais on a relevé quelques crachotements (saturation, pressage ?) dans les pièces de Fumagalli, Sonzogno, Dallapiccola et la troisième de Malipiero. L’économie dictant de ne pas multiplier les pages du livret, les textes en italien et anglais sont imprimés en très petits caractères. Confronté à une vie musicale italienne en déréliction ces dernières années, Adalberto Maria Riva n’a pu faire éditer son disque “au pays”, et a trouvé meilleur accueil en Suisse pour promouvoir le répertoire de sa terre natale (notez sur la couverture le filetage des cordes mis aux couleurs du drapeau national).


 
© 2011 Adalberto Maria Riva

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